29 Oct L’infertilité est-elle encore un sujet tabou au XXIe siècle?
Selon les données publiées par l’Organisation Mondiale de la Santé, près de 50 millions de personnes dans le monde souffrent de problèmes d’infertilité, ce qui se traduit par près de 15 % des couples en âge de procréer
Cette maladie, telle que déclarée par cette institution en 2009, a été définie comme « une pathologie de l’appareil reproducteur qui se caractérise par l’impossibilité d’obtenir une grossesse clinique après 12 mois ou plus de rapports sexuels non protégés ».
En ce sens, il est très important de consulter un spécialiste en médecine reproductive lorsqu’une grossesse n’a pas été obtenue après cette période. Ainsi, des études peuvent être menées qui excluent tout problème ou nous aident à trouver le problème et à déterminer la meilleure façon d’obtenir une grossesse grâce aux techniques de reproduction assistée.
Plus de dix ans plus tard, et bien qu’elle soit une réalité de plus en plus reconnue et acceptée dans notre société, l’infertilité reste un sujet souvent tabou et génère une certaine insécurité et un sentiment de culpabilité chez de nombreux patients, qui la cachent à leurs proches, voire aux membres de leur famille.
Malgré ce faux sentiment de culpabilité, de ne peut-être pas COMPRIS OU ACCEPTÉ pourquoi cela nous arrive, il existe un certain nombre de causes évidentes, tant biologiques que sociales, qui échappent à notre contrôle et qui expliquent l’augmentation des cas nécessitant des traitements de procréation assistée pour concevoir.
Les deux facteurs les plus fréquents sont le retard dans l’âge auquel LES femmes envisagent la maternité, souvent dû au travail ou à l’investissement dans la formation personnelle, les difficultés à trouver un emploi, un logement ou un partenaire stable et la baisse de la qualité du sperme au cours des dernières années. En outre, nous pouvons trouver des facteurs tels que l’endométriose, les maladies chroniques comme le diabète, l’obésité ou les traitements contre le cancer, entre autres, qui peuvent conduire à l’infertilité ou à la stérilité.
Un autre facteur que nous ne pouvons pas oublier est celui des couples qui ont une maladie génétique dans la famille. CEUX-CI nécessiteront des traitements de reproduction assistée ainsi qu’une étude génétique des embryons afin de transférer les embryons non affectés par cette maladie.
Pourquoi est-il si difficile de parler de l’infertilité ?
Malgré les progrès de la société et, comme nous l’avons vu, la reconnaissance de l’infertilité comme une maladie parmi d’autres, la vérité est que, pour de nombreuses femmes et de nombreux couples, en parler est encore inconfortable et compliqué selon l’environnement.
En ce sens, et pour répondre à cette question, nous avons voulu aujourd’hui compter sur Stéphanie Toulemonde, psychologue et Coach de Fertilité du service de soutien intégratif de Reproclinic. Nous vous laissons sur ses paroles :
« En tant que coach en matière de fertilité, je vois beaucoup de gens souffrir en silence de l’infertilité. C’est une question sociale qui est de plus en plus présente dans le débat public et les médias, mais dans l’environnement privé, elle reste taboue et est souvent vécue dans le silence et la solitude. Le silence, à son tour, alimente le silence : pensant qu’ils sont les seuls dans cette situation, les personnes concernées n’osent pas parler du sujet et le tabou persiste. Alors comment un sujet aussi médiatisé peut-il être aussi tabou dans la vie réelle ?
La difficulté de concevoir nous affecte tous, hommes et femmes, dans ce qu’il y a de plus humain et de plus viscéral : notre capacité à donner la vie. C’est un processus intime, qui génère une multitude d’émotions : colère, sentiment d’injustice, stress, peur de ne pas l’avoir, tristesse, culpabilité, jalousie même parfois. Ces émotions en elles-mêmes sont difficiles à vivre et à accepter – et encore plus difficiles à assumer devant les autres (même l’environnement le plus proche). Puis d’autres émotions plus « sociales » s’ajoutent : la peur d’être mal compris, la superstition, la gêne, la culpabilité ou même la honte.
Souvent, face à un diagnostic d’infertilité, nous nous isolons simplement parce que le fait d’en parler fait mal. Parce qu’à la question « comment c’était », il nous est trop difficile de répondre à nouveau « ça n’a pas marché ». Et parce que parfois, peu importe le degré d’amitié ou d’amour, la simple vue d’un bébé ou l’annonce d’une grossesse est insupportable – parce qu’elle nous rappelle nos propres difficultés à réaliser ce rêve.
Nous nous isolons aussi parce que les réactions des autres peuvent être douloureuses : parce qu’ils se sentent mal à l’aise face à une douleur aussi intime, parce qu’ils ne savent pas quoi dire pour aider, ou par simple manque d’information. « il va être trop tard », « détends-toi et ça marchera, tu y penses trop », « ce n’est peut-être pas le bon moment, ça viendra quand tu seras prêt » ou « C’est la faute de qui ? » «ce sont des phrases qui sont parfois dites dans le seul but d’aider, mais elles font mal. Et c’est une autre cause de silence.
Souvent, il est plus facile d’aborder le sujet avec quelqu’un de moins intime, de moins proche mais qui nous comprend mieux – un professionnel, ou simplement quelqu’un qui a vécu la même chose et qui comprend toutes ces émotions. Ce sont des ressources très précieuses auxquelles peu de gens osent recourir.
Dans mes sessions, j’entraîne, j’aide les gens à:
– Accepter la situation, et toutes les émotions qui l’accompagnent : c’est un travail sur soi qui commence par l’identification et la compréhension de ces émotions.
– S’ouvrir aux autres : je suis convaincu que parler est un soulagement, mais je crois que l’on doit d’abord identifier avec qui parler et comment – et ce que l’on attend de l’autre. Clarifier et verbaliser vos attentes vous aide à vous ouvrir plus facilement, et à vous laisser soutenir.
– Se concentrer sur l’essentiel (identifier leurs valeurs, ce qui les anime vraiment) et valoriser toutes les autres facettes de leur vie (qui disparaissent souvent lorsqu’ils ne se concentrent que sur le projet familial).
Enfin, tant pour les personnes vivant dans une situation d’infertilité que pour leur entourage, l’information est essentielle : il ne s’agit pas seulement d’informer et d’éduquer sur les causes de l’infertilité et les traitements médicaux – mais aussi sur cette gigantesque dimension émotionnelle qui accompagne inévitablement l’infertilité. C’est la seule façon de s’assurer que les personnes concernées ne souffrent pas du tabou de l’infertilité.